Un jour, il reviendra sans aucun doute au Lotto Park, mais en attendant, Romelu Lukaku joue volontiers le rôle d’ambassadeur d’Anderlecht. Pourtant, le meilleur buteur des Diables Rouges ne semble pas s’émouvoir si le sélectionneur Rudi Garcia décide de laisser un autre produit de Neerpede plus souvent sur le banc. Pas plus que Kevin De Bruyne, d’ailleurs. C’est ainsi que Youri Tielemans risque de voir sa place menacée.
Pourtant, le pilier d’Aston Villa jouit d’un certain statut à Tubize. Aux côtés de Thomas Meunier et Thibaut Courtois, il fait partie du groupe restreint des leaders de Garcia, avec De Bruyne et Lukaku. Lors de la réconciliation de Courtois avec la presse, c’est même lui qui était assis à ses côtés pour représenter le vestiaire. Avec ses 75 sélections, seul dépassé dans l’effectif actuel par les trois figures de proue restantes de la génération dorée, le milieu de terrain de 27 ans constitue un pont entre le passé, le présent et l’avenir. Ses prédécesseurs Domenico Tedesco et Roberto Martinez avaient également reconnu son importance dès le début de leur mandat.
Vanaken a déjà 32 ans
Hans Vanaken, en revanche, n’était clairement pas un favori de ces entraîneurs. Plus âgé de cinq ans que Tielemans et désormais âgé de 32 ans, cela ne semble pas être un obstacle pour Garcia. Contrairement à Tedesco, le Français ne semble pas obsédé par le rajeunissement de l’équipe ni par les joueurs évoluant à l’étranger qui répondent à des critères précis comme la vitesse de sprint ou l’explosivité. Autant de raisons pour lesquelles Vanaken, longtemps ignoré par Martinez, ne rentrait pas dans les plans des sélectionneurs précédents. "L’ancien entraîneur ne me considérait pas comme le type de joueur dont il avait besoin. J’ai fini par comprendre que ça ne changerait pas sous lui. Il faut alors l’accepter et attendre une opportunité."
"Quand il a été licencié, j’ai espéré une nouvelle dynamique. Et surtout, de retrouver ma place", confie Vanaken, qui n’a jamais claqué la porte. Très vite, le triple Soulier d’Or, dont le plus récent lui a été remis par Garcia lui-même, a pu se rassurer. Son rappel dans la première sélection du coach ne fut pas une surprise, non seulement en raison des nombreuses absences au milieu de terrain, mais aussi parce que Garcia reconnaît sa valeur. "Avec un nouveau sélectionneur viennent de nouvelles opportunités. J’essaie de les saisir en restant fidèle à mon jeu. Il m’a rappelé, alors à moi de prouver ce que je peux apporter à l’équipe."
Remplaçant contre l’Ukraine, il n’a pas immédiatement réussi à s’illustrer. Entré peu après l’égalisation ukrainienne en remplacement de De Bruyne – un changement planifié à l’avance –, il a sombré avec l’équipe. Lui demander de remplacer KDB est une autre paire de manches. Cependant, quelques jours plus tard, à Genk, il s’est avéré être le partenaire idéal de De Bruyne. Profitant de la suspension de Tielemans, Vanaken, qui avoue que sortir du banc n’est pas son point fort, a débuté le match. D’abord discret mais efficace dans l’organisation, il a progressivement pris ses aises, gagnant des duels aériens et limitant les pertes de balle.
De Bruyne reste le chef d'orchestre
Petit à petit, le métronome brugeois s’est imposé. De Bruyne restait le chef d’orchestre, mais Vanaken s’est mis à régner et à distribuer avec assurance, comme s’il évoluait au Jan Breydel. En surgissant dans la surface, il a failli marquer son sixième but international à deux reprises, notamment sur un centre de Maxim De Cuyper, dont l’entrée a changé la physionomie du match. Sa connexion avec le latéral gauche de Bruges, de plus en plus incontournable, est une des raisons pour lesquelles Vanaken pourrait conserver une place de titulaire même quand Garcia disposera de tout son effectif.
Au final, le milieu de terrain (25 sélections) s’est contenté d’une septième passe décisive – une statistique honorable. Une passe subtile a permis à Lukaku de marquer le 3-0, signant ainsi la victoire des Diables Rouges… et le retour de Vanaken. Pour souligner son importance, De Bruyne et Lukaku ont ostensiblement pointé du doigt en sa direction. "Je sais que je peux attendre ce genre de passes de lui. J’ai la même connexion avec lui qu’avec Kevin et Jérémy (Doku). Je suis très heureux qu’il soit de retour, car ses qualités complètent parfaitement les miennes", a déclaré Lukaku après la rencontre. Une opinion sûrement partagée par De Bruyne.
Vanaken facilite aussi le jeu de son capitaine en réclamant le ballon et en orientant le jeu, allégeant ainsi la charge de De Bruyne, qui refuse de jouer plus bas. Il partage d’ailleurs cette responsabilité avec Tielemans, mais il apporte plus de verticalité, de vision, de profondeur et de créativité. Contre l’Ukraine, il n’a pas marqué, mais c’est sans doute là que réside la plus grande différence avec Tielemans : en trois fois plus de sélections, ce dernier a été impliqué dans 19 buts, seulement sept de plus que Vanaken. "À Bruges aussi, je dois être décisif."
Sa taille est un atout
Bien qu’il soit plus porté vers l’attaque, Vanaken n’en demeure pas moins un atout défensif. Sa taille est un avantage, et s’il n’est pas encore un Fellaini, il n’hésite pas à faire les efforts nécessaires. Lukaku et De Bruyne ont souvent regretté le manque de pression exercée depuis le milieu, laissant trop d’espace aux adversaires. Or, Vanaken couvre autant de terrain que Tielemans et ne rechigne pas à la tâche. Ce n’est pas un hasard si le pressing a mieux fonctionné à Genk, permettant aux Belges de dominer l’Ukraine en récupérant de nombreux ballons hauts.
Son endurance impressionne Garcia, qui accorde une grande importance à ce critère. S’il n’excelle pas en tant que joker, il remplit sa mission avec sérieux lorsqu’il joue 90 minutes. De plus, il sait s’effacer au profit des autres, malgré son statut en Belgique. "Je me sacrifie volontiers pour mes coéquipiers. La qualité autour de moi facilite les choses, tout le monde bouge et veut le ballon", dit-il, profitant ainsi de la présence de stars comme Lukaku et De Bruyne. D’où une meilleure alchimie avec eux qu’avec Tielemans, qui semble désormais devancé dans la hiérarchie.
L’expérience de Zeno Debast comme milieu défensif à Murcia n’a pas convaincu, et peut-être que Tielemans aurait mieux performé avec Nicolas Raskin derrière lui. Mais à court terme, Garcia n’a que peu de raisons de remettre en cause son duo de "numéros 10". En qualifications pour la Coupe du Monde, face à des adversaires modestes, cette formule offensive pourrait suffire. Vanaken a d’ailleurs prouvé sous Martinez et à Bruges qu’il pouvait aussi briller dans un rôle plus reculé, à condition que l’équipe tourne bien.
"J’ai dû reculer aux côtés de Raskin, mais ce n’est pas très différent de mon rôle à Bruges. Je joue en fonction de Kevin : s’il bouge, j’occupe d’autres espaces. Notre entente a bien fonctionné", résume-t-il. Intelligent, fiable, efficace, infatigable, expérimenté et fier d’être Diable Rouge : Garcia voit en Vanaken un joueur qui coche toutes les cases. Un trio avec De Bruyne et Tielemans semble excessif, et ce dernier pourrait bien en faire les frais. Avec Onana et Raskin en embuscade, la concurrence s’intensifie.
Tielemans perd des points
Vanaken a marqué des points contre l’Ukraine, tandis que Tielemans en a perdu. Garcia, avec l’aval de Vincent Mannaert, osera-t-il sacrifier un cadre ? "La vérité est sur le terrain", aime répéter le sélectionneur. Une chose est sûre : la prestation de Vanaken parle pour lui.